Wang Zhen :chaque trait de la calligraphie chinoise doit avoir sa source

2022-11-07 12:40ParHAIAO
今日中国·法文版 2022年11期

Par HAI AO

Le prix Nobel de littérature Mo Yan (d.) assiste à l’exposition des œuvres de calligraphies de Wang Zhen (g.).

Un jour de février 2014, le calligraphe Wang Zhen a découvert qu’un couple de pies faisaient leur nid sur le rebord de la fenêtre de son atelier à l’aide de brindilles enchevêtrées. Une relation venait de naître entre l’homme et la famille des oiseaux.

Des pies pour voisines

À l’aide d’un dispositif ingénieux, Wang Zhen a enregistré leur vie quotidienne en prenant tous les jours des photos sans se faire remarquer. L’arrivée des pies a enflammé sa créativité littéraire en lui donnant l’inspiration, voyant les pies perfectionner sans cesse la conception du nid.Elles ont travaillé sans relâche en faisant feu de tout bois avec ce qu’elles trouvaient à proximité, puis donné la becquée tout en protégeant et en prenant soin leurs oisillons.Il a été impressionné par leur intelligence.

Les pies ont également éveillé en lui de nombreux sentiments. Sa compréhension esthétique et ses réflexions sur la calligraphie en ont été modifiées. « Chacune de mes réflexions apportait quelque chose de nouveau. »

« Ravi d’accueillir et d’observer la famille des pies -Exposition des œuvres de calligraphie de Wang Zhen »a débuté en avril 2022 au Musée d’histoire des Chinois d’outre-mer à Beijing. Organisée par l’Association chinoise pour la conservation de la faune sauvage, l’exposition a présenté plus de 110 calligraphies et photographies sur le thème de la rencontre harmonieuse entre le calligraphe et les pies.

Mo Yan, écrivain lauréat du prix Nobel de littérature, a été invité sur place et il a déclaré dans son allocution qu’il ne s’agissait pas d’une simple exposition de calligraphie,mais d’une narration, d’une histoire sur la protection,l’amour et la dévotion vis-à-vis des animaux, d’où chacun pouvait s’inspirer.

Dans une lettre, Su Shishu, président de la 7esession de l’Association des calligraphes chinois, a remarqué que Wang Zhen avait atteint la perfection dans la calligraphie Shu et forgé son propre style. « Une main ferme, une encre abondante, un trait de pinceau équilibré dans les angles et les courbes, une structure épaisse et large, aussi stable qu’une montagne, avec un geste droit et intègre. »

L’observation de la vie des pies pendant une longue période a permis à Wang Zhen de découvrir qu’il existait des liens innombrables, une même subtilité, entre les gestes des pies et les mouvements du pinceau de calligraphe.Qu’elles volent ou qu’elles sautent, qu’elles marchent ou qu’elles restent immobiles, qu’elles regardent vers le haut ou vers le bas, qu’elles expriment la surprise ou la joie,l’attachement ou la séparation, « tout est merveilleux »,dit-il, remarquant que la calligraphie fait partie intégrante de la vie et de la nature.

Incarnation dans la calligraphie

Au quotidien, Wang Zhen se plaît à réciter des classiques. « LeMémorial de la Tour de Yueyangde Fan Zhongyan a changé mon destin », dit-il.

Calligraphie de Wang Zhen

Wang Zhen et Mo Yan

Photographie des pies de Wang Zhen

Calligraphie de Wang Zhen

« Fan Zhongyan avait suivi sa mère après son remariage dans le district de Zouping (Shandong), ma ville natale.Enfant, j’ai grandi en écoutant l’histoire de Fan Zhongyan »,explique Wang Zhen. Dans leMémorial de la Tour de Yueyang, Fan Zhongyan, poète du XIesiècle, durant la dynastie des Song (960-1279), évoque la nostalgie des terres natales et la crainte du ridicule, le sentiment de tristesse sur son sort et de joie à l’égard des choses de ce monde. « Ne pas se réjouir pour les choses de ce monde ;ne pas se désoler pour soi », ou encore, « Être le premier à se soucier des affaires de l’État et le dernier à jouir du bonheur ». Wang Zhen se reconnaissait dans ces vers qui sont restés gravés dans son cœur.

Dès lors, le langage, le rythme et la conception artistique des classiques ont exercé leur attrait. Dans les moments de joie ou de chagrin, Wang Zhen s’y plonge toujours avec plaisir et peut réciter des passages deLa Ballade du Luth,

La Difficile Route vers le Royaume de Shu,La Grande Étude,Le Juste MilieuetLesEntretiens de Confucius. Il y a puisé son inspiration pour ses calligraphies.

Wang Zhen a longtemps travaillé aux côtés du grand maître de calligraphie Shu Tong. « J’ai été influencé par mon père et j’aime la calligraphie depuis que je suis enfant.Après avoir travaillé avec Maître Shu, j’ai pu bénéficier de conditions uniques pour apprendre la calligraphie. Il y avait chez lui un grand nombre de modèles d’écriture,d’estampages des inscriptions lapidaires et de livres sur la théorie de la calligraphie que l’on pouvait consulter à tout moment. Ce qu’il y avait de magique, c’est qu’en observant chacun de ses gestes et en écoutant chacune de ses paroles, il était possible de développer mes compétences en calligraphie. » Maître Shu lui a également enseigné les styles d’écriture ainsi que la calligraphie d’après un modèle. « Le cœur abrite en permanence la vivacité du style et les mille et une transformations du pinceau », tel était l’enseignement de Maître Shu. « Il faut savoir au fond de son cœur quelle sera la forme que prendra le caractère avant de commencer à le calligraphier et de tremper son pinceau dans l’encre. »

Calligraphie de Wang Zhen

Photo de paysage prise par Wang Zhen

« Qu’il s’agisse de la qualité du caractère d’une personne, peu importe la qualité de son écriture, cela ne sert à rien. Frotter le bâtonnet d’encre de Chine dans un encrier en pierre pour obtenir de l’encre noire, c’est affûter son cœur et cultiver son corps », lui avait confié Maître Shu. La calligraphie d’après un modèle est un processus d’observation du monde. Créer une œuvre, c’est façonner une personnalité. Une personne à l’âme légère ne créera pas une œuvre confuse ; une personne stable ne sera pas flamboyante ; une personne ouverte d’esprit ne sera pas mesquine. « Les caractères reflètent les personnes, et les personnes, les caractères. »

Pour Maître Shu, l’objectif était de bien écrire grâce à la calligraphie d’après un modèle, à la connaissance des classiques et à la culture de soi. « La calligraphie sans contenu littéraire reste une technique, et la valeur fondamentale de la calligraphie est de dessiner ses propres caractères avec un pinceau et d’exprimer ses émotions. »

Wang Zhen est membre de l’Association des calligraphes chinois. Il est aussi président de l’Association de recherche sur la culture et l’art de Shu Tong à Beijing et rédacteur en chef du magazineLecture et écriture des classiques. Il peut ainsi se consacrer à la recherche et transmettre ses connaissances.

Des anecdotes en vers et en prose

« Lors du Nouvel An 2021, Mo Yan et moi étions à Fuyuan, dans le Heilongjiang, pour voir les premiers rayons de soleil illuminer la Chine. La température était de moins 39 degrés, l’eau gelait dès qu’on la faisait couler », se rappelle-t-il. Pour cette occasion, Mo Yan a écrit les deux caractères 新曦 (Nouveau rayon du soleil au point du jour) à l’encre épaisse avec un pinceau en forme de godet.

« Mo Yan et moi avons tous deux été soldats et connu un environnement spécial et difficile. Prendre plaisir à la douleur est notre passe-temps commun », confie Wang Zhen. Avec Mo Yan, il a conçu l’œuvre en vers et en prose sur le compte de WeChatNouvelles à l’encre de deux briques, qui raconte leur périple aux quatre coins du pays.

L’essence de la calligraphie

La calligraphie est un trésor culturel traditionnel de plus en plus apprécié et aimé des Chinois. Parlant de la compréhension et de l’expérience de l’esthétique de la calligraphie, Wang Zhen a nourri sa relation avec le pinceau et l’encre à travers la calligraphie d’après un modèle et appliqué l’écriture à la vie quotidienne. C’est devenu une seconde nature.

« Apprendre la calligraphie est avant tout affaire de transmission. Chaque trait doit avoir une source. La calligraphie, c’est danser avec des fers aux pieds. L’innovation sans la transmission ne vaut rien », note-t-il. La calligraphie est une pratique très courante et tout le monde peut l’apprendre. Toute personne qui écrit des caractères peut appliquer ses propres critères de jugement sur leur beauté ou leur laideur. « Ce qui est essentiel et cardinal, c’est un apprentissage sérieux en y trouvant du bonheur. »

*HAI AO est un professionnel des médias.