Garantir la sécurité maritime

2016-12-01 07:59KamailoudiniTagba
中国与非洲(法文版) 2016年11期

Garantir la sécurité maritime

La Charte de Lomé va permettre à l’UA de coopérer au niveau international pour la sécurité maritime par Kamailoudini Tagba

C’eSt arrivé il y a plus d’un an, mais pour le secteur maritime, cette épreuve de cinq jours reste difficile à surmonter et continue d’influencer l’activité dans le golfe de Guinée. En janvier 2015, des pirates ont arraisonné le chalutier chinois FV Lu Rong Yuan Yu 917 et forcé l’équipage, des Guinéens pour la plupart, à sauter à l’eau. Quatre personnes sont mortes et les pillards ont fui avec quatre Chinois à bord quand une patrouille togolaise les a pris en chasse.

La même année, d’après l’État de la piraterie en mer 2015, un rapport annuel de l’ONG américaine Océans au-delà de la piraterie, le golfe de Guinée a subi 54 attaques, soit 1/5 des cas rapportés dans le monde, causant la mort de 23 personnes. La Corne de l’Afrique et le golfe d’Aden sont deux autres zones dangereuses.

Sur les 54 pays de l’Union africaine (UA), 38 ont des littoraux ou sont des îles. Le continent abrite plus d’une centaine de ports qui traitent seulement 6 % du transport maritime mondial. En 2015, l’Afrique, qui importe et exporte 90 % des marchandises par la mer, a perdu des milliards de dollars en raison de la piraterie et de la criminalité maritime, et ses économies sont parmi les plus touchées par cette criminalité, d’après le rapport.

Une situation urgente

L’urgence de la situation a contraint les autorités togolaises à réunir les membres de l’UA pour agir de manière polyvalente et en collaboration. Trois ans après que le Cameroun a organisé le premier Sommet sur la sécurité maritime dans le golfe de Guinée, un Sommet extraordinaire sur la « Sécurité maritime et le développement en Afrique » se déroulait à Lomé, capitale du Togo, du 10 au 15 octobre. « Nous sommes conscients des dangers qui menacent nos pays et nos populations, et avons conscience qu’il est urgent de mobiliser les ressources dont nous disposons, en particulier les mers et les océans, a indiqué le Président togolais Faure Essozimna Gnassingbe lors de son allocution de bienvenue. Les actions isolées ou individuelles ne pourront pas répondre efficacement aux phénomènes négatifs et handicapants qui touchent nos espaces maritimes. Seules la mobilisation générale et les actions collectives et volontaires peuvent nous permettre de mieux protéger les actifs que nos mers, nos océans et leurs ressources représentent. » Les dirigeants qui participaient au sommet ont convenu qu’une stratégie à l’échelle du continent était nécessaire, et un accord a été signé, la « Charte africaine sur la sécurité, lasûreté et le développement maritimes ».

Madagascar.

Selon le Président congolais Denis Sassou Nguesso, l’accord stipule que les signataires contribuent à un fonds spécial pour la sécurité maritime. Ils ont aussi convenu de partager des informations et d’établir de nouvelles organisations au niveau national et régional pour renforcer la sécurité dans les eaux africaines. « La Charte va sécuriser l’espace maritime pour le bien commun du peuple africain », a indiqué la présidente de la Commission de l’UA Nkosazana Dlamini-Zuma. De manière plus importante, la Charte va constituer un cadre légal pour protéger les espaces maritimes africains. L’absence d’un tel cadre légal consensuel a empêché une action punitive contre les pirates appréhendés.

Hormis les pirates, les trafiquants et les chalutiers hors-la-loi utilisent aussi les mers. Le trafic de drogue et d’armes prospère et les produits trafiqués constituent un danger majeur pour la santé car ils comprennent des contrefaçons et des produits interdits. La pêche illégale fait perdre à l’Afrique de l’Ouest près de 258 millions de dollars par an. La perte atteint 42 milliards annuellement sur le continent, d’après la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique. La pêche contribue de manière significative à la sécurité alimentaire et nutritionnelle de plus de 200 millions d’Africains et fournit des revenus à plus de 10 millions d’entre eux.

Les pays africains ont par ailleurs échoué à moderniser leur industrie de la pêche. Les millions d’Africains qui en vivent se servent encore de techniques et d’équipements rudimentaires qui ne les rendent pas compétitifs. Le ministre togolais des Affaires étrangères Robert Dussey a relevé les deux volets de cet accord. Au-delà de la sécurité maritime, il se focalise sur l’utilisation de la mer pour le développement. « Il est nécessaire de promouvoir l’économie bleue », a-t-il précisé. L’économie bleue est une vision alignée sur la Stratégie maritime intégrée de l’Afrique 2050, qui cherche à répondre aux dégradations de la mer et à l’impact du changement climatique, et à développer le domaine maritime africain pour la création d’emplois et de richesses.

Si les deux puissances [la Chine et les États-Unis] peuvent coopérer avec l’Afrique, surtout dans le domaine de la sécurité maritime, l’Afrique pourra bénéficier non seulement de leur expertise, mais aussi de leurs technologies pour lutter contre la piraterie.

Mohamed Ibn Chambas, représentant spécial du secrétaire général des Nations unies et directeur du Bureau pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel des Nations unies

Discussions tripartites

Des acteurs hors d’Afrique ont aussi appelé à des actions collaboratives maritimes. Les Nations unies en font partie, qui ont soutenu le Sommet de Lomé et envoyé des représentants pour y participer. Une approche commune de l’UA, comme la Charte de Lomé, facilitera la coopération internationale dans le bloc. Des acteurs hors d’Afrique ont déjà montré leur vif intérêt pour l’établissement d’un réseau de sécurité maritime avec l’Afrique. En 2014, l’UA, la Chine et les États-Unis, ont discuté ensemble de coopération pacifique sous l’égide du Centre Carter, une ONG créée par l’ancien Président américain Jimmy Carter. Cette année, les trois parties se sont retrouvées au Togo en juillet pour discuter de la sécurité maritime et de l’économie bleue avant le sommet du Togo.

Mohamed Ibn Chambas, représentant spécial du secrétaire général des Nations unies et directeur du Bureau des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, qui participait aux discussions tripartites, a fait savoir que l’Afrique nécessitait des partenaires stratégiques pour lutter contre la piraterie et que les discussions tripartites sont parvenues à un arrangement pour collaborer, surtout dans le golfe de Guinée. « La Chine et les États-Unis, deux puissances mondiales et membres du Conseil de sécurité des Nations unies, ont des relations proches avec l’Afrique. Si les deux puissances peuvent coopérer avec l’Afrique, surtout dans le domaine de la sécurité maritime, l’Afrique pourra bénéficier non seulement de leur expertise, mais aussi de leurs technologies pour lutter contre la piraterie, a déclaré M. Chambas, à l’agence de presse Xinhua. En harmonisant nos efforts et nos moyens pour un partenariat gagnantgagnant, l’Afrique, la Chine et les États-Unis vont parvenir à des résultats tangibles dans la lutte contre toutes les formes de trafic en mer sur le continent africain. »

Une fois adoptée, la Charte de Lomé va permettre aux pays africains de coordonner leurs actions, d’harmoniser les instruments juridiques, de renforcer leurs moyens de surveillance, et de contrôler les espaces maritimes africains. Cela générera une coopération plus proche entre l’UA, la Chine et les États-Unis sur la sécurité et le développement maritimes. La Charte de Lomé, qui est un document contraignant, va bénéficier au continent quand elle entrera en vigueur après son adoption par les parlements des 54 pays membres. CA

(Reportage du Togo.)