Saihanba ou le vert de la terre

2017-11-23 03:31DanslenorddelaChineuneparcelledeterrestrilelaisslaplacelaplusgrandeforartifcielledumondeillustrantlesprogrcologiquesdupaysparWangHairong
中国与非洲(法文版) 2017年10期

Dans le nord de la Chine, une parcelle de terre stérile a laissé la place à la plus grande forêt artif i cielle du monde, illustrant les progrès écologiques du pays par Wang Hairong

Saihanba ou le vert de la terre

Dans le nord de la Chine, une parcelle de terre stérile a laissé la place à la plus grande forêt artif i cielle du monde, illustrant les progrès écologiques du pays par Wang Hairong

UN arbre immense trône au milieu des champs ornés de fl eurs sauvages de Ia ferme forestière de Saihanba. Planté pendant la dynastie des Qing (1644-1911), le mélèze de 20 mètres a déjà connu 200 printemps. Le vénérable végétal conserve pourtant toute sa vigueur : ses branches s’étendent dans un large périmètre et son tronc est orné d’une multitude de rubans rouges.

Ces rubans, ce sont les habitants du district autonome mandchou et mongol de Weichang, dans la province septentrionale du Hebei, qui les ont attachés.Un témoignage de gratitude vis-à-vis de l’arbre – surnommé « l’Arbre des Grâces » – qui avait fait renaître chez eux l’espoir de voir une terre stérile se transformer un jour en forêt luxuriante. Un espoir qui s’est ainsi concrétisé dans les années 1960 avec la création de la ferme forestière de Saihanba, qui a marqué le début du processus de reboisement de la région.

Située à 400 kilomètres de Beijing, la ferme couvre une superf i cie d’environ 75 000 hectares, et constitue Ia forêt artif i cieIIe Ia pIus vaste au monde. Son taux de couverture végétale est passé de 11,4 % à 80 % en un demi-siècle. Elle est non seulement un bouclier écologique important pour la capitale chinoise et ses alentours, mais aussi une destination touristique populaire. Sa transformation représente un bon exemple des progrès écologiques en Chine.

Un changement tangible

La zone où se trouve le mélèze était une terre de chasse royale pendant la dynastie des Qing. C’est aussi le lieu où l’empereur Kangxi (1654-1722), l’un des souverains les plus puissants de l’histoire de Chine,avait réservé un accueil triomphal aux soldats revenus d’une bataille dans le nord.

À Ia fi n de Ia dynastie des Qing, un abattage des arbres massif a été lancé pour agrandir la surface des terres agricoles. Mais après le déboisement, les champs ont progressivement disparu pour laisser la place au désert. En effet, avec la disparition de la forêt, le climat local est devenu plus sec, plus aride.

Dans les années 1950, les tempêtes de sable ravagent la région de Saihanba. De violents vents venus du nord et traversant Ie désert, souff l ent sur Beijing.Selon les données de l’Administration météorologique chinoise, durant cette période, la capitale est frappée par des tempêtes de sable jusqu’à 56 jours par an.

Dans les années 1960, le gouvernement décide alors de reverdir la région. Liu Kun, l’un des responsables de la gestion des fermes forestières nationales de l’époque, est désigné pour mener une étude de faisabilité pour la création d’une ferme forestière à Saihanba. Elle voit le jour en 1961, lorsque l’on réalise que Ie méIèze s’adapte aux conditions diff i ciIes de Ia région. L’année suivante, plus de 300 planteurs venus des quatre coins du pays participent au projet de reforestation. En deux ans, plus de 400 hectares de forêt sont ainsi replantés. Pourtant, moins de 8 % des plants survivent.

Des ouvriers transportent les stocks de la pépinière.

L’équipe de terrain collecte les données.

« Le problème, c’est que ces plants ont été transportés par bateau depuis le nord-est », précise Zhang Xing, un travailleur retraité de la ferme. « À l’issue d’un si long voyage, les racines se sont desséchées. Comment les plants auraient-ils pu survivre ? »

En guise de solution, on décide alors de faire pousser les plants localement. Au printemps 1964, le taux de survie atteint fi naIement Ies 90 % et Ie reboisement transforme complètement le paysage.

Si l’on avait laissé agir la nature, ce processus de reforestation aurait pu prendre au moins un siècle. Saihanba a rétabli son écosystème en seulement cinquante ans.

Huang Xuanrui, doyen de la faculté de foresterie à l’Université agricole du Hebei

Une bouffée d’air frais

Avec Ie déveIoppement de Ia fl ore, de nombreux animaux sauvages réapparaissent, comme les sangliers, les blaireaux, les cerfs et de nombreuses espèces d’oiseaux, réhabilitant l’écosystème. Dans un reportage de l’agence de presse Xinhua, on apprend que Saihanba compte aujourd’hui 261 espèces d’invertébrés, 660 espèces d’insectes, 179 espèces de champignons et 625 espèces végétales différentes.

« Si l’on avait laissé agir la nature, ce processus de reforestation aurait pu prendre au moins un siècle.Saihanba a rétabli son écosystème en seulement cinquante ans », indique Huang Xuanrui, doyen de la faculté de foresterie à l’Université agricole du Hebei.

On compte aujourd’hui une moyenne annuelle d’environ 7,5 jours où les tempêtes de poussière et de sable balayent Beijing. La moyenne annuelle des précipitations a, elle, augmenté de 66,3 millimètres tandis que le nombre de jours fortement venteux a été réduit de 30.

Avec Ia fi n du reboisement dans Ies années 1980,il fallait toutefois savoir comment pérenniser et rentabiliser la ferme.

À l’instar de la pratique traditionnelle des fermes forestières nationales, une usine a été mise en place à Saihanba, en 1981, pour transformer les arbres de qualité inférieure en bois de construction, permettant une source de revenus majeurs.

Mais aujourd’hui, un modèle plus rentable a pris forme, avec la vente des plants d’épicéa, de mélèze et de pin sylvestre mongol. Selon Wang Liming, responsable de la pépinière de la ferme, un épicéa de 15 ans,qui fait à peu près 7 mètres de hauteur, coûte autant que les bois de construction réalisés à partir de 30 arbres du même âge. Pour cela, la ferme a développé une importante pépinière dans le nord de Chine. En 2016, la vente de plants a généré un revenu de plus de 11,95 millions de yuans (1,82 million de dollars). En renforçant la pépinière au détriment de l’exploitation forestière, la ferme a également augmenté sa superfi cie.

L’accent a aussi été mis sur l’écotourisme. Selon l’Administration nationale du tourisme de Chine, on compte plus de 500 000 visiteurs par an à Saihanba.Ce tourisme génère un revenu de billetterie de plus de 40 millions de yuans (6 millions de dollars) et a permis de créer 15 000 empIois directs, béné fi ciant par aiI-leurs aux habitants de la région qui en tirent également pro fi t. L’apport annueI du tourisme à I’économie IocaIe est estimé à plus de 600 millions de yuans (90 millions de dollars).

En fi n, Saihanba a Iancé un projet de séquestration du carbone. Liu Haiying, directeur de la ferme, a fait savoir aux médias que le volume total du dioxyde de carbone séquestré par la ferme forestière équivalait à 4,75 millions de tonnes, soit l’équivalent des émissions d’environ 1,7 million de voitures sur un an. La vente de l’ensemble du carbone séquestré devrait générer au moins un revenu de 15,19 millions de dollars. CA

Des gardes incendie en surveillance.

Des ouvriers plantent la plus grande forêt artif i cielle du monde.