Sous la surface

2018-07-20 01:22parFranciscoLittle
中国与非洲(法文版) 2018年7期

par Francisco Little

En Chine, une grande partie des tendances historiques et culturelles se passe littéralement en souterrain

Lao Zi (ou Lao Tseu), un penseur influent et fondateur du taoïsme, préconisait la retraite anticipée pour les gens ayant obtenu un succès,marquant ainsi une transition en douceur de la célébrité à l’obscurité.

Quand les étrangers font leurs listes des choses à voir ou à faire en Chine, ils doivent souvent faire des choix difficiles. Avec l’immense richesse historique de l’Empire du milieu, les sites et les trésors antiques abondent. Mais tous sont d’accord pour y mettre Xi’an.

Avec un impressionnant pedigree historique, il y a tout un monde sous le sol de Xi’an. Me tenant en haut du clocher massif du centre-ville lors d’une soirée poussiéreuse, j’ai bien tenté d’imaginer les anciennes incarnations de cette ville qui a autrefois rivalisé avec la Rome antique et Constantinople pour le titre de métropole suprême du monde. En toile de fond de mes rêveries, un touriste enthousiaste frappait la grande cloche de la tour, cherchant ainsi à gagner les bonnes grâces des dieux. À partir de chaque point cardinal, quatre routes s’étendaient à mes pieds. Quatre routes artérielles, une tour centrale – un arrangement logique facilitant l’accès sur un axe.

Ces routes mènent les visiteurs à différents lieux qu’il est possible de visiter à Xi’an : le doigt de Sakyamuni, le mur de la ville et le pied du mont Li où le dirigeant du Kuomintang, Chiang Kai-shek, a été capturé en 1936, mettant fin à 10 ans de guerre civile. Mais en vérité, tous viennent ici pour voir une seule et même chose :les préparatifs du premier empereur de la dynastie des Qin (259-210 av. J.-C.), l’empereur Qin Shi Huang, pour son voyage vers l’autre monde.

Les gardiens de l’armée de terre cuite se tiennent encore au garde-à-vous en l’honneur de leur empereur disparu il y a plus de 2 000 ans, tous uniques et silencieux.Ils ont changé la ville de Xi’an de façon irréversible. Découverte par des agriculteurs en 1974, la principale caverne abrite plus de 6 000 guerriers en poterie grandeur nature, avec des chars et des chevaux en formation militaire, comme prêts au combat.

Deux autres voûtes abritent la force de flanc et les quartiers généraux militaires.C’est un spectacle impressionnant. L’UNESCO était aussi de cet avis en 1987, année à laquelle elle a inscrit ce site au patrimoine mondial. Aujourd’hui, ce trésor a donné naissance à une industrie qui a inscrit Xi’an sur toutes les cartes des voyageurs.

Alors que je marchais parmi ces voûtes,tentant d’ignorer le hurlement des guides et la bousculade de la foule, je pensais à ce qui se trouvait sans doute encore enfoui sous mes pieds. Mon guide m’a dit que bien que des milliers de sites historiques et de tombes aient été découverts autour de Xi’an, beaucoup d’autres restent encore enfouis. Des villes construites et reconstruites pendant plus de 3 000 ans et 13 dynasties signifient que ce que nous voyons ici est, selon toute probabilité, un petit échantillon d’un trésor beaucoup plus grand. Cela est semblable à la culture chinoise, où les individus sont amenés à garder un profil bas, ne donnant qu’un aperçu de l’ensemble. La notion de se cacher au sein de la foule remonte d’ailleurs à des millénaires.

Lao Zi (ou Lao Tseu), un penseur influent et fondateur du taoïsme, préconisait la retraite anticipée pour les gens ayant obtenu un succès, marquant ainsi une transition en douceur de la célébrité à l’obscurité.Comme il l’écrit dans Le Livre de la Voie et de la Vertu, « le Tao que l’on peut nommer n’est pas le Tao ». En effet, la perspicacité des expériences ne peut pas toujours être exprimée. Beaucoup se cache dans le nondit. Dans un sens philosophique, cela a donné naissance à une sorte d’imprécision qui caractérise une grande partie de la culture chinoise et qui s’incarne par un proverbe local bien connu : un grand arbre est plus facilement abattu par le vent.

S’occuper de ses affaires quotidiennes sans attirer trop d’attention est probablement un bon moyen pour assurer sa survie. Ce que nous voyons n’est que le sommet de l’iceberg culturel, où les choses sont implicites et un sourire ou un « peut-être » est souvent la seule réponse à une question. Il faut un certain temps aux étrangers pour s’habituer à ces subtilités, car une grande partie de notre pensée se base sur des démarcations claires : « oui » ou « non ».

Il y aura toujours une part de mystère qu’il nous est impossible de voir. Qu’il s’agisse de trésors à découvrir ou de complexités culturelles insondables, beaucoup de choses en Chine se passent sous la surface. CA*